Comment peut-on expliquer la survie d’un engin aussi exclusif, mutant entre une moto et un roadster sportif artisanal anglais, avec toute la variété, et le délire aussi parfois, qu’il sied à ce genre de production, pour engendrer deux familles d’engins aussi différentes ? Aux antipodes de cette lignée singulière qui défit le temps, brassée régulièrement par des particularismes fiscaux et réglementaires kafkaïens, se trouvent en effet aujourd’hui d’un côté des attelages rustiques et bon marchés, étroitement dérivés des BMW ou des complexes Zundapp de la Wehrmacht qui écumèrent l’Europe dans les années quarante, toujours produits aux frontières des ex-républiques soviétiques ou aux confins de la Chine, et de l’autre, des engins sophistiqués, exploitant sur trois roues les meilleures technologies issues du sport automobile, des suspensions triangulées aux châssis monocoques carbone de la catégorie sport-prototype.
Il faut dire que le rapport poids puissance de certains des engins destinés à la compétition entretient la confusion : plus de 200 Cv pour 225 kg à vide… mais emport d’un passager agile obligatoire au risque de finir sur le béret au premier virage qui se présente !
Le ZEUS français a en son temps heurté les préjugés de toute une génération de motards « classiques » en concevant un modèle de grand tourisme proposant deux places côte à côte semi allongées, sellerie coordonnée, 4 haut-parleurs, combiné audio, commandes de chauffage et de désembuage, plafonnier, boîte à gants, 400 litres de coffres intégrés, 2 litres de cylindrée, 20 N.m de couple à seulement 4100 tr/mn pour 650 kg campés sur trois jantes de 15 pouces montées en tailles basses, etc.
A l’opposé, des artisans comme Pierre-Jean Dedôme exploitent le filon ténu du cousu main sur le juste nécessaire mécanique, dans la tradition de l’élégance carrossière française, d'autant plus équilibré que motorisé par un bi-cylindres face à la route européen (BMW et MotoGuzzi).
Mais quelque soit l’engin, retenez qu’une fois à bord il vous faudra tout oublier, la conduite de ces drôles de bêtes ne ressemblant à rien d’autre pour la bonne et simple raison qu’elle est totalement dissymétrique, tant du point de vue de la répartition des masses que de la poussée !
L’apprentissage est long et peut être fastidieux si l’on ne dispose pas de conseils avisés et du temps qu’il sied pour que tout votre corps apprenne.
Une fois trouvé la bonne position, les sensations arrivent peu à peu, le corps apprend, mémorise et se décontracte, jour après jour, jusqu’au moment où, sans que vous vous y attendiez, le plaisir surgit au détour d’un virage et vous prend par les tripes ! Combinant placement du corps et gestion précise des gaz, vous tenterez alors d’apprivoiser chaque ondulation imposée par la route, chaque courbe bien négociée vous laissant l'incroyable sensation de glisser sur un fil, de voler au ras de la route.
Le virus est en vous avec l'impérieuse envie d'aller tailler la route à la recherche de nouveaux terrains de jeu, des plus beaux sites où vous pourrez enchaîner sans heurts de belles courbes, avec pour seul soucis de rester en selle sur votre ventouse à réaction et affûter ainsi votre plaisir.
Ne cherchez pas de logique dans cet engin : c'est un acte d'amour!
Celui de géniteurs enthousiastes, pour que des motards passionnés puisque caresser l'espoir d'une impossible communion entre règne et partage, sensations et confort, sport et famille, moto en couple... et un tout nouvel enfant... ou deux... ou un grand chien... deux parapentes... etc.!
La passion n'a pas de prix mais l'amour si : comptez au minimum 9 000 euros pour un rude URAL, 25 000 euros pour un attelage GT neuf construit sur la base d’une grosse cylindrée japonaise... plus de 30 000 euros pour l'inimitable ZEUS
Le prix de la survie économique de rêves fabriqués en FRANCE.
Dur, dur... Mais c'est aussi de l'économie solidaire